La SNCF s’habille en Armor Lux

L’entreprise bretonne favorite d’Arnaud Montebourg habillera les 33 000 agents de la SNCF dès l’automne prochain. Made in France ? Pas tout à fait…

armor-lux-1452461-jpg_1335121Jean-Guy Le Floc’h est un P-DG heureux. Son entreprise a remporté l’appel d’offres lancé par la SNCF pour la fabrication et la distribution des uniformes de ses agents. Le gris et le violet choisis par Christian Lacroix en 2007 vont donc laisser place aux couleurs emblématiques de la marque française : le bleu et le rouge.

La SNCF ne précise pas à quoi vont ressembler les nouvelles tenues des contrôleurs, vendeurs et agents d’escale ; elle évoque seulement un « style simple, chic et confortable » imaginé par l’agence de style NellyRodi, après consultation du personnel.

« Du bonheur après un échec incompris »

Ce contrat de 6 ans – qui l’engage à fournir 800 000 pièces la première année pour un montant de 15 millions d’euros – est une aubaine pour Armor Lux après la perte du marché des uniformes de la police. En 2013, c’est Cofely Ineo, une filiale du groupe GDF Suez, qui a obtenu la production des tenues policières, en dépit d’un recours administratif et de l’intervention d’Arnaud Montebourg, soutien infaillible de la société quimpéroise. Le ministre du Redressement productif souhaitait une collaboration entre son entreprise « chouchou » et Cofely Ineo, qui travaille avec deux PME de confection d’uniformes en Isère et dans le Pas-de-Calais. « C’est mieux de s’entraider que d’écraser les autres », avait-il déclaré. Sans succès.

Rhabiller la SNCF devrait donc permettre à Armor Lux de compenser la perte des 1,5 million de pièces qu’elle fabriquait pour la police. Jean-Guy Le Floc’h a parlé d’un « bonheur après un échec incompris » et ajouté que le choix de la compagnie ferroviaire française avait été orienté par le « fait qu’une partie [de la production, NDLR] soit maintenue en France ».

Des uniformes pas 100 % made in France

C’est là où le bât blesse. Armor Lux a toujours capitalisé sur son image 100 % made in France, c’est d’ailleurs pour ça qu’Arnaud Montebourg avait largement mis en avant l’entreprise finistérienne. Dans son communiqué, la SNCF n’insiste pourtant pas sur cet aspect et parle seulement de « qualité des matières », d' »efficacité de ses services » et d' »innovations », et pour cause.

Seules les pièces pouvant être assemblées en dix minutes – et composées de maille circulaire ou rectiligne – peuvent être entièrement fabriquées en France. Par conséquent, contrairement aux célèbres marinières et débardeurs en coton de la marque bretonne, les autres produits d’Armor Lux sont principalement conçus à l’étranger, Maroc, Tunisie, Bulgarie, Roumanie, Inde et Chine. 60 % des articles ne sont en fait pas « made in France ».

Pour les uniformes des agents SNCF, la société quimpéroise a annoncé qu’un tiers de la production serait effectué en France – à Troyes et à Quimper -, où une trentaine d’emplois vont être créés. Le reste des pièces sera donc fabriqué dans la zone euro-méditerranéenne, c’est-à-dire en Europe de l’Est et au Maghreb. Les agents en contact avec la clientèle auront donc la joie de porter des vêtements ayant déjà traversé l’Europe et l’Afrique du Nord…

Justine Mazzoni

Article en ligne sur lepoint.fr

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